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Dilemme d'Histoire : faut-il dire Léman ou lac de Genève ?

Suisse - Genève - Vaud - Valais


Selon où l'on se trouve en Suisse romande, désigner la plus grande étendue d'eau douce qui s'étend du Mont Salève aux portes du Chablais sous le nom de "lac de Genève" peut agacer ou surprendre son interlocuteur. Retour aux sources d'un débat qui perdure depuis des siècles.

Léman : un nom emprunté par les Romains à un savant grec

Carte du Léman réalisée par Mercator Gerard et Hondius Henricus - Atlas Minor, Amsterdam, 1648.

Il faut remonter sous l'Antiquité pour comprendre l'origine de la mésentente. Le lac apparaît pour la première fois dans les écrits du géographe et historien grec Strabon, établi à Rome, sous le nom de "Lémana Limnè" (Limnè signifiant lac). À priori, l'affaire est déjà réglée. D'autant que le général romain Jules César en remet une couche, en relatant sa victoire face aux Helvètes dans son récit La Guerre des Gaules : il désigne le lac sous le nom de "Lacus Lemannus". 

 

Ce serait oublier combien l'Histoire est facétieuse. Au 2 e siècle ap. J.-C., l'Itinéraire d'Antonin, véritable Guide du Routard antique, emploie le terme de "Lacus Lausonio", signifiant... lac de Lausanne. Fichtre ! Le débat est relancé.

Le Siècle des Lumières lui préfère le nom "lac de Genève"

Le Jet d'eau à Genève.

Les Bernois ne l'entendent pas de cette oreille : lorsque Berne annexe le pays de Vaud en 1536, le nom "Léman" l'emporte. Par la suite, des cartographes comme l'Allemand Sebastian Münster en 1552, puis le Flamand Gerard Mercator vers 1575, adoptent le nom "Léman", indiqué dans les documents administratifs bernois. L'affaire serait-elle enfin classée ? Pas si vite !

 

Sous le Siècle des Lumières, (au 18 e siècle), le nom "lac de Genève" est majoritairement repris dans la littérature. La raison ? À cette époque, la cité de Calvin connaît un essor économique et culturel florissant. Une façon d'immortaliser cette période faste ? 

Léman vs lac de Genève : une question de géographie ?

Cliquer sur les images pour agrandir.

Au 21e siècle, le débat est toujours d'actualité. Pourtant, une piste d'ordre géographique peut mener à un compromis. 

 

Si l'on observe attentivement la carte, un léger resserrement du lac est visible depuis Genève au niveau de Nyon (marqué au sud par l'avancée dans le lac de la péninsule d'Yvoire, en France). Cette partie, appelée "Petit lac", serait en réalité la zone que désigne l'appellation "lac de Genève". Les deux autres parties, le "Grand lac", qui s'étend de Nyon jusqu'à Rivaz, et le "Haut lac", de Rivaz jusqu'à Montreux, correspondent au Léman. 

 

En clair, les habitants du canton de Genève appellent les eaux qui bordent leur ville "lac de Genève", tandis que les Vaudois et les Valaisans emploient le nom "Léman". Pour les visiteurs étrangers, cette question, propre à la langue française, ne se pose pas. En anglais comme en allemand, le nom "lac de Genève" prédomine (Lake of Geneva en anglais et Genfersee en allemand). 

 

Au fait, saviez-vous qu'écrire "lac Léman" est un pléonasme ? En effet, "Léman" découle d'un mot d'origine ligure (lemann) qui veut dire... lac !

 

 

         

 

 

 

 

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